Du Chaos à la Clarté: L'histoire de Rhiannon Rosalind

En collaboration avec BDC, nous mettons en lumière les témoignages d'entrepreneures et d'entrepreneurs qui ont su garder le cap en matière de santé mentale. L'objectif est de vous donner de l'espoir, du réconfort, vous inspirer et vous donner les moyens d'agir pour bâtir les ponts entre avoir besoin de soutien, le chercher et l'obtenir.

Auteure: Rhiannon Rosalind

Pour en savoir plus sur la collaboration entre Unsinkable et BDC, consultez notre communiqué de presse.

Traumavertissement: Cette histoire traite de toxicomanie, d'abus, de violence domestique, du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) chronique, de l'anxiété, du trouble panique, de la dépression et des traumatismes financiers. Nous vous invitons à lire ce témoignage seulement s'il s'agit d'un bon moment pour vous. 

Si vous ou une personne que vous connaissez êtes en crise et avez besoin d'une aide immédiate, appelez le 911 ou rendez-vous aux urgences les plus proches.

Vous pouvez aussi appeler le Service canadien de prévention du suicide au 1 833 456-4566 (en tout temps). Si vous êtes résident du Québec, composez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553).

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Je suppose que pour la plupart des gens, il est difficile de déterminer le moment exact où leur vie s’est effondrée. Pour moi, ce n’est pas le cas du tout. Je connais le moment exact, l’heure exacte, le lieu exact. J’étais au Nunavut, prise dans une tempête au milieu de l’océan Arctique. À bien des égards, la tempête était une manifestation physique de ma propre tempête intérieure. Celle qui faisait rage en moi depuis toute petite, celle que j’ai désespérément essayé de fuir, d’ignorer, de combattre et d’engourdir. Ce n’est qu’aujourd’hui, six ans plus tard, que je comprends vraiment que l’on ne peut jamais y échapper. Il est difficile d’être une ou un propriétaire d’entreprise, on peut ressentir de l’isolement et de la solitude quand on navigue sur les vagues de l’incertitude en affaires – pour moi, c’était aussi un refuge idéal où me cacher. J’ai utilisé mon entreprise pour me créer une carapace protectrice, me gardant commodément trop occupée pour être émotive, trop prospère pour avoir une dépendance, et trop fière pour demander de l’aide. J’imagine que si vous lisez ces lignes et que vous vous trouvez dans une situation similaire, vous pouvez ressentir un fort sentiment de soulagement ou de déni, selon l’étape à laquelle vous vous trouvez dans votre propre parcours. S’il s’agit d’un déni, je peux comprendre. Je raconte mon histoire aujourd’hui, dans l’espoir d’aider une ou un autre propriétaire d’entreprise à trouver sa propre version de la vérité et du bien-être. Plus cela vous met mal à l’aise, plus vous avez de chances de devoir le lire. Je le sais par expérience. 

Je suis devenue entrepreneure à l’âge de 10 ans. Ma première entreprise est née de ce que j’aime appeler une nécessité créative. Je voulais gagner mon propre argent. Je ne voulais pas compter sur les adultes aimants mais très instables de mon foyer. Avec mes yeux de jeune personne, j’ai observé que l’argent était rare et que cela suscitait la peur chez les adultes de ma maison, les rendait tristes et parfois même violents. J’ai vu des membres de ma famille lutter contre la drogue et l’alcool, travailler dur sans grand résultat. Je ne voulais pas leur ressembler, j’ai donc créé une entreprise de promenades de chiens avec mon meilleur ami et j’ai appris très tôt que j’étais douée pour quelque chose d’unique... les affaires. À l’époque, je ne me considérais pas comme une entrepreneure, car ce n’était pas une voie populaire et ce n’était certainement pas encouragé chez les jeunes femmes. Je n’avais aucune idée de ce qu’étaient les affaires, mais je savais que je pouvais parler à n’importe qui, vendre des produits auxquels je croyais, développer des véritables relations avec ma clientèle, tenir mes promesses et, surtout, gagner de l’argent en faisant quelque chose d’amusant. Ces prises de conscience ont été incroyablement puissantes à un si jeune âge, et j’aimerais pouvoir dire qu’en les comprenant, ma vie a été facile et parfaite à partir de ce moment-là... j’aimerais bien, mais ce n’est pas mon histoire. 

En dixième année, j’avais abandonné l’école secondaire, je faisais l’expérience de la drogue et de l’alcool, je vivais sans la présence régulière de ma famille et je sortais avec quelqu’un qui avait presque le double de mon âge. Ma vie s’était rapidement transformée en un véritable gâchis. La jeune fille, si créative et si douée pour les affaires, semblait être un lointain souvenir. Avec le recul, je comprends pourquoi j’ai erré sur le chemin de la douleur et de la rébellion. J’étais négligée à l’école, j’avais du mal à suivre et j’étais rejetée par mes professeurs. La vie à la maison était difficile, imprévisible et souvent totalement chaotique. Ma créativité, mon intuition, mon intelligence émotionnelle, mes compétences innées en affaires n’étaient pas reconnues par le système d’éducation. Alors, pendant quelques années, au fur et à mesure que les mauvaises notes s’accumulaient, j’ai commencé à rechercher la reconnaissance ailleurs. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience d’une autre compétence particulière que j’avais acquise : celle de m’intégrer. J’ai choisi de m’intégrer à la foule qui se sentait brisée, tout comme moi. Nous n’étions pas de mauvais enfants; nous étions blessés et traumatisés, et nous voulions exprimer cette douleur, l’explorer. J’ai excusé mon mauvais comportement comme un appel à l’aide. Le problème, c’est que personne ne semblait vraiment l’entendre. Alors, à 15 ans, je me suis sauvée moi-même. Je me souviens de ce moment comme si c’était hier. Le matin était brumeux après une autre nuit de fête. Je suis allée aux toilettes et j’ai vu mes propres yeux dans le miroir – je n’ai pas pu détourner le regard. J’ai regardé au fond de moi et j’ai vu quelque chose que je connaissais très bien. Mes yeux étaient éteints, je n’avais plus d’étincelle, j’étais déconnectée de mon âme, comme l’étaient devenus de nombreux membres de ma famille. J’avais porté mon badge de victime avec tant de fierté que j’avais oublié la vérité. J’étais responsable de ma propre vie. C’est ce jour-là que j’ai pris l’engagement de devenir une meilleure version de moi-même. Essayer. Réessayer. La seule voie que je voyais était de couper les ponts avec mes amis brisés, d’essayer de terminer l’école et d’éliminer les drogues dures de ma vie. C’est donc la voie que j’ai suivie. J’ai remplacé mes amis par d’autres, j’ai intégré une autre école secondaire dans un tout nouveau quartier et j’ai troqué la MDMA et les drogues dures contre quelque chose de plus inoffensif et socialement acceptable : l’alcool. Dans mon esprit, j’avais résolu tous mes problèmes. 

À 26 ans, je suis devenue présidente et directrice générale de l’Economic Club of Canada par chance, après que le fondateur a été élu à une fonction fédérale grâce à une victoire inattendue. Je pensais avoir compris ce à quoi je m’engageais lorsque j’ai accepté le poste intérimaire – avec le recul, j’étais incroyablement naïve, mais je pensais honnêtement que je pouvais m’en sortir grâce à mes compétences en affaires particulières, à ma volonté de réussir à tout prix et à ma capacité à m’intégrer. Ce sont ces compétences qui m’ont permis d’arriver jusqu’ici, de l’abandon de l’école secondaire à 15 ans, à la négociation de mon retour à l’école, pour enfin devenir le premier membre de ma famille à obtenir un diplôme et à aller à l’université. Ce sont également ces compétences qui m’ont permis d’obtenir un poste d’entrée à l’Economic Club quelques semaines après ma sortie de l’université, et de gravir les échelons si rapidement que j’en avais le tournis. Tout en buvant beaucoup, surtout en fin de semaine. Je n’en ai pas fait grand cas à l’époque. D’une part, parce que tout le monde autour de moi semblait faire la même chose et, d’autre part, parce que mon rôle au travail me faisait croire que ma consommation d’alcool était différente de celle de ma famille quand j’étais enfant. Ils étaient malades, et moi... j’avais réussi?

À 28 ans, je suis devenue l’unique actionnaire de l’Economic Club of Canada. J’ai travaillé pour racheter le fondateur et j’ai consacré toute ma vie à la croissance de l’organisation – nous sommes devenus la plateforme de politique publique et d’affaires la plus importante du pays. Au cours de ces années, j’ai également créé un organisme à but non lucratif de premier plan, le Jr. Economic Club of Canada. J’espérais pouvoir utiliser mes ressources pour aider les enfants qui avaient grandi comme moi, en leur enseignant les affaires, la gestion de l’argent et les politiques publiques. De l’extérieur, j’avais tout ce qu’il fallait. Des prix, des accolades, un mari et deux beaux enfants, une maison qui m’appartenait, de merveilleux amis et une équipe formidable. J’avais réussi, au sens où la société définit la réussite.

Dans ma famille, je brisais le cycle. C’est du moins ce que je croyais. En fait, à l’époque, je refusais de voir la réalité en face. J’ai donc continué à ignorer les signaux d’alarme que mon corps m’envoyait alors que mon stress et ma consommation d’alcool augmentaient. Je repoussais les limites de l’épuisement, je dissimulais le chaos financier duquel je ne parvenais pas à m’extirper, je refusais de demander de l’aide et j’essayais surtout de ne pas détonner. C’est ainsi que j’ai survécu. Je buvais pour évacuer mon anxiété les fins de semaine, ce qui entraînait souvent des pertes de connaissance totales, sans que je puisse me souvenir de quoi que ce soit. Je suis devenue dépendante au fait de servir les autres et à la volonté de faire le bien, au point d’ignorer la plupart du temps mes propres besoins fondamentaux, comme manger correctement ou faire des pauses pour me reposer. Je me suis dit que c’était ça, la réussite, c’était être adulte, c’était être responsable. J’ai désespérément essayé de tenir le coup et d’accepter la validation extérieure comme ma seule source de valeur. À l’époque, je pensais que ce mode de vie était ma seule option. C’était le prix à payer de l’entrepreneuriat – et l’alcool était un ami qui me soutenait, m’aidant à me détendre après des journées difficiles et stressantes. 

En juillet 2017, lors de cette énorme tempête au milieu de l’océan Arctique, j’ai réalisé que quelque chose devait changer. Je ne pouvais pas tenir plus longtemps. Le chaos de l’environnement a révélé le chaos en moi. J’ai pensé que j’allais mourir à ce moment-là et j’ai accepté que ce soit peut-être le cas. La vérité, c’est qu’une partie de moi est morte ce jour-là. La partie de moi qui ne voulait pas chercher de l’aide. La partie de moi qui ne s’acceptait pas ou ne voulait pas voir la vérité de ce que j’étais devenue... une alcoolique hautement fonctionnelle. 

Je m’appelle Rhiannon Rosalind, j’ai vécu un traumatisme et je suis aussi une entrepreneure extraordinaire. J’ai surmonté des problématiques de dépendance, d’abus, de violence familiale et de stress post-traumatique chronique. J’ai lutté contre l’anxiété, les troubles de panique, la dépression et les traumatismes financiers. Aujourd’hui, je suis libre. Pas libre de mon passé, mais libre de la nécessité de le fuir. J’apprends à m’accepter dans toute ma gloire. Mon chemin vers la guérison a impliqué la sobriété, la thérapie, la pleine conscience et la médiation, la quête personnelle et les retraites silencieuses, le travail sur l’énergie, l’écriture de chansons et l’art, l’observation, le travail sur l’enfant qui sommeille en moi, la thérapie EMDR, un divorce, la vente de l’Economic Club, ralentir, la reconnexion avec la nature, les excuses, la prise en charge, la thérapie financière, les cours de soutien aux enfants d’alcooliques, dire non, demander de l’aide, et admettre la vérité. Lorsque j’ai réalisé pour la première fois que j’avais besoin d’aide, j’ai consulté un thérapeute et j’ai supprimé l’alcool de ma vie. Pour y parvenir et m’y tenir, j’ai dû changer beaucoup de choses dans ma vie, y compris les personnes qui m’entouraient – j’ai même mis fin à mon mariage. J’ai pris une journée à la fois, ça n’a jamais été facile, mais aujourd’hui, je peux honnêtement dire que ça en valait la peine. 

Ces changements n’ont pas résolu tous mes problèmes, mais ils les ont certainement rendus plus faciles à gérer. J’aime vraiment ma vie. La plupart du temps, je suis heureuse d’être moi-même. Ma nouvelle entreprise, Conscious Economics, est ma véritable passion. Elle combine mon amour pour la guérison et mon amour pour les affaires. Nous aidons les propriétaires d’entreprise, les artistes, les leaders d’entreprise à faire le vrai travail interne pour trouver le vrai succès en utilisant les modalités de la pleine conscience, de la nature, de la thérapie financière et de la musique. Aujourd’hui, j’aime travailler avec une petite équipe de personnes que j’aime et que je respecte. La semaine de travail est de quatre jours. Je réussis mieux qu’avant, mais j’ai redéfini ce que réussir signifie. Pour moi, réussir signifie ressentir toute la gamme de mes émotions, prendre soin de mon corps, de mon esprit et de mon âme, apprécier d’être mère, prendre les choses moins au sérieux et attendre au moins 24 heures avant de prendre des décisions qui changent ma vie et, surtout, diriger une entreprise que j’aime et être une sacrée bonne entrepreneure. Je vous embrasse. 



Bâtir et gérer une entreprise, en plus d’en être propriétaire, peut être éprouvant. 

Si vous cherchez à obtenir plus d’information ou d’aide concernant votre santé mentale, BDC, la banque des entrepreneur.es, a réuni des ressources spécialement pour les propriétaires de PME. Nous espérons qu’elles seront pour vous une source d’information, d’éducation, d’inspiration et de conseil.

À propos de Rhiannon Rosalind: Rhiannon Rosalind (@rhiannonrosalind) est la fondatrice et la visionnaire en chef de Conscious Economics. Mieux connue pour son expérience de plus de dix ans à titre de PDG et d'actionnaire unique de l'Economic Club of Canada, l'un des réseaux d'affaires le plus en vue et reconnu au Canada, Rhiannon Rosalind joue un rôle unique de rassembleuse et de bâtisseuse de ponts entre les PDG d'entreprises, les artistes, les leaders communautaires et les jeunes. Rhiannon a accueilli certains des conférenciers les plus importants de notre époque, notamment Barack Obama, Michelle Obama, Amanda Bennett, le président de la Commission européenne, Amal Clooney, Bill Clinton, ancien président des États-Unis et François Hollande, ancien président de la France. L'amour de Rhiannon pour la musique, l'art, l'innovation sociale et les affaires l'a menée à créer d'innombrables programmes d'apprentissage, d'événements et de contenus qui ont permis d'aider plus de 50 000 jeunes à travers le Canada dans un esprit de changement social, de réconciliation et de guérison économique. En tant qu'entrepreneure en série et innovatrice sociale, Rhiannon incorpore avec succès la musique et l'art dans le paysage des affaires et des politiques publiques, encourageant chaque année de multiples artistes, musiciennes et musiciens de partout au pays.

À propos de Conscious Economics: Nous sommes une organisation nationale à but non lucratif et une entreprise sociale mondiale dont le siège social se trouve au Canada. Depuis 10 ans, nous avons fait nos preuves en matière d’éducation économique, de programmes de littéracie financière, de recherche, d’événements et d’apprentissage par l’expérience. Nous avons organisé plus de 1 000 événements qui ont rassemblé des jeunes, des leaders d’entreprise, des décisionnaires, des adeptes du changement, des pédagogues, des associations industrielles, des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif. Nous travaillons avec toutes les communautés, mais nous nous concentrons sur les populations méritant l’équité, notamment les PANDC (personnes autochtones, noires et de couleur), les LGBTQ2S+, les femmes et les artistes.